éducation Kabako

Il y a quelques jours, j’avais une discussion sur la politique locale avec un ami. Il me parlait de la croissance à deux chiffres de la Côte d’Ivoire, des nouvelles infrastructures du pays… Au milieu de tout ça, il a rappelé une phrase chère aux ivoiriens:

On ne mange pas goudron.

Il a renchéri en disant:
Comment leur expliquer que s’il y a des routes qui relient les zones enclavées aux villes, cela facilite le transport des matières premières ou des produits vivriers?
Est-il possible de leur expliquer que s’il y a une route, le transport coûte moins cher et que normalement le coût d’achat des denrées alimentaires doit baisser?
Comment leur expliquer que s’il y a la route pour amener le cacao et autres produits d’exportation au port, on peut faire vendre plus et donc gagner plus d’argent?

J’ai répondu que c’est si facile à comprendre pour lui parce qu’il a bénéficié d’une éducation « longueur » et que le vrai problème de compréhension de ces raisonnements est le niveau d’éducation générale du pays (en plus du fait que, en vérité, on ne mange pas de goudron) 🙂

Je me suis alors revu en face des nouvelles mesures de notre éducation nationale. Les fameuses moyennes de passage de 4/10 et de 9/20.
Non content d’avoir un niveau général sinistré par 20 ans de crise socio-politique, on prend la décision délibérée de réduire le niveau général.

CHère éducation POUR L’éTAT

J’ai pu lire que cette décision était motivée par le fait que les redoublants coutaient beaucoup trop cher à l’état. Serait-ce donc une raison pour se presser de déverser dans le système de l’emploi des personnes aux standards trop faibles? Parce que je ne connais aucun employeur qui est heureux d’avoir un employé qui sait bien exécuter 4 tâches sur 10 confiées.
Ou est-ce une nouvelle race d’entrepreneurs que le pays souhaite fabriquer?
Si cela coûte trop cher de mieux former les redoublants, a-t-on évalué le coût de leur ignorance a posteriori? Qu’est ce qui coûte le plus cher?

C’est le jeu de la patate chaude, le ministre de l’éducation qui fait la passe au ministre de l’emploi sous la supervision du Président de la République.
education kabako - lincoln

ODE à LA MéDIOCRITé

Ca peut être dur comme titre pour les habitués du 9/20 ou du 4/10 mais comme j’aime le répéter, on ne se rappelle pas du 5è du 100m aux JO, seulement du 1er.
C’est à ma mère que je dois faire la remarque, celle qui me faisait la leçon parce que d’une composition à une autre j’étais passé de 9/10 à 8/10. De quel droit j’avais le droit de baisser ma moyenne? Elle est la plus choquée qu’on puisse passer en classe supérieure avec 4/10.

Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, quel message cette réforme envoie?
On a la possibilité de faire moins bien mais d’avancer quand même?
Nous ne sommes pas obligés de chercher à nous améliorer, le nivellement vers le bas est roi?
On a le droit de faire plus de fautes de français qu’avant pour aller en classe supérieure? (déjà que le sms a tué la langue française)
On a le droit de faire moins bien des sommes et vouloir gérer des stocks et des inventaires demain?
Quant à moi, j’imagine déjà les jeunes dire qu’ils cherchent 9 de moyenne… ils auront plus de temps pour le coupé-décalé.
l'élève ivoirien nouveau

RE-TUER HOUPHOUET

S’il n’était pas suffisamment mort en voyant ce que les politiques ont fait de son pays, il doit se dire que son paradis actuel est un enfer… lui qui a investi autant des ressources de l’état dans l’éducation. Houphouët, qui a offert un lycée classique, un lycée garçon de Bingerville, un lycée scientifique. Lui, qui croyait tellement en l’éducation que dans les années 80, il accordait une importance primordiale à l’éducation de la jeune fille avec les lycées d’excellence tels que le lycée Sainte Marie, le lycée Mamie Fêtai de Bingerville, le lycée Mamie Adjoua de Yamoussoukro.
Oui, s’il n’était pas suffisamment mort, le brave homme le serait maintenant.

Si le système s’effondre, c’est à chacun de nous de se rappeler de sa place dans la résistance. Pour ceux qui le peuvent, résistons au nivellement vers le bas. Relevons notre niveau d’exigence et n’autorisons pas nos jeunes frères, cousins, neveux, etc. à sombrer.
Ne nous taisons plus. Arrêtons d’accepter des situations de non-sens.
Parlons de ces décisions (politiques) qui façonnent notre environnement.
Car à la fin de la journée, quand on ne fait pas la politique, la politique finit par nous faire.

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4 Comments

  1. Très belle analyse de la situation de l’éducation en Côte D’ivoire.
    Je ne suis toutefois pas du même avis.

    L’objectif de la baisse des moyennes de passage est double:
    -faire baisser le taux de rétention (le nombre moyen d’années d’études avant diplomation) pour orienter les élèves vers la formation professionnelle.
    -Allouer une partie du budget de l’éducation nationale à au financement de la réforme de l’éducation 2017.

    Le ministère réduit les moyennes de passage, non pas pour baisser le niveau d’éducation, mais pour permettre à plus d’élèves d’avoir accès à des formations qui accroitront leur productivité. Le ministère veut utiliser le budget du reprise d’une année scolaire pour offrir une formation professionnelle aux élèves qui arriveront en fin de cycle.

    Le système secondaire généraliste bac – bts – cabine est en train d’être repensé. Toutefois, la communication autour pourrait être meilleure.

    Merci pour l’article.

    • Avant d’avoir vu le plan de formation professionnelle, je n’achète pas cette excuse. Et mieux, on n’a vraiment pas besoin de baisser la moyenne pour orienter certains vers les formations qualifiantes.
      Encore une fois, ce que je déplore ici c’est qu’on ne s’attaque pas vraiment au problème de base et qu’on utilise des solutions palliatives. le problème va nous rattraper quoi qu’il en soit

  2. C’est certain que cette réforme ne résout pas le problème de l’éducation en Côte D’ivoire.
    Reduire l’inadequation des formations générales en les rendant qualifiantes n’est que la première étape. Si, pour financer cette réforme, il faut baisser les moyennes de passage, c’est un mal nécessaire. De plus, je suis pour un système qui, bien qu’ayant des insuffisances, profite au plus grand nombre (41% de la population ivoirienne à moins de 15 ans) plutôt que de la formule précédente.
    Toutefois, ce n’est qu’une étape, un palliatif, et non une finalité.

  3. Trop belle analyse. J’ai lu quelque part que pour détruire ou dominer un peuple, la guerre est une perte de temps . Il suffit juste de détruire son système éducatif et attendre patiemment. Déjà que le système actuel est vide et nul, voilà ce à quoi nos enfants seront confrontés. J’étudie avec ma fille et je me rends compte que le niveau est déjà bas (on ne leur apprend rien de bon). Si malgré cela on doit faire encore le faire baisser avec ce genre de moyenne sous pretexte que les redoublants coûtent chers ou qu’on veut les orienter vers des formations qualifiantes, moi en tout cas je ne suis pas d’accord. De plus je pense que la formation qualifiante nécessite elle aussi un certain niveau de connaissance. Vraiment avec une telle décision, il y aura beaucoup de temps pour le coupé décalé.

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